JOURNÉE MONDIALE DU CLIMAT – 8 DECEMBRE 2024 - « L’OSS, PARTENAIRE AFRICAIN PRIVILEGIE DANS LE FINANCEMENT DES ACTIONS CLIMATIQUES ET LE RENFORCEMENT DE LA RESILIENCE DES COMMUNAUTES LOCALES »
M. Comlan Médard Ouinakonhan
Expert en Environnement et Changement Climatique,
Observatoire du Sahara et du Sahel
La communauté internationale s’est fixé des objectifs mondiaux, notamment, ceux de limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 °C, d’arrêter la perte de biodiversité et d’en inverser la tendance, d’atteindre la neutralité en matière de dégradation des terres, d’éradiquer la pauvreté, de garantir le bien-être des populations et d’assurer un avenir prospère et durable. A six ans de l’échéance fixée (2030) pour l’atteinte de ces ambitions, les engagements nationaux et les actions sur le terrain sont loin d’être satisfaisants pour éviter les points de bascule.
L'Afrique, bien que responsable de moins de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, est l'une des régions de la planète les plus vulnérables au changement climatique. Le sixième rapport du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), explique les impacts profonds et variés du changement climatique en Afrique, touchant les milieux naturels, les populations humaines et les économies du continent, et exacerbant les niveaux de vulnérabilité déjà inquiétants. La variabilité accrue des précipitations perturbe la disponibilité de l'eau pour l'agriculture, la consommation domestique et les ressources naturelles. Les événements extrêmes comme les inondations et les sécheresses, deviennent de plus en plus fréquents et entraînent des dégâts dévastateurs pour les populations locales.
Certaines régions, comme l'Afrique du Nord, ont enregistré des températures record, avec des maximales atteignant 50,4°C à Agadir, au Maroc, en 2023 (BAD, 2024). L’année 2023 a également enregistré des incendies en Afrique du Nord touchant près de 89 074 ha dont 73 725 ha en Algérie.
Plus de 6,9 millions de personnes en Afrique occidentale et centrale ont été affectées par les inondations en 2024, causant des déplacements massifs, des pertes agricoles et d’habitations. Le Tchad est parmi les pays les plus touchés, avec 1,9 million de personnes affectées. Le Niger a, quant à lui, enregistré près de 400 décès, 150 000 maisons effondrées et 26 000 têtes de bétail perdues (CILSS, 2024).
Bien que la Finance Climat est essentielle pour soutenir les efforts de l’Afrique dans sa lutte contre le changement climatique et la transition vers des économies résilientes, le continent, selon le rapport publié en 2024 par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), fait face à une pénurie majeure de ressources financières pour financer des actions climatiques. Le déficit de ressources financières pour l'adaptation climatique en Afrique est estimé entre 187 et 359 milliards de dollars par an d'ici 2030. Bien que les flux financiers internationaux aient augmenté, passant de 22 milliards de dollars en 2021 à 28 milliards de dollars en 2022, ces ressources restent insuffisantes. Une grande partie de la finance climat provient de sources publiques, avec une contribution limitée du secteur privé. A cela s’ajoutent les défis liés à son accessibilité en raison de la complexité des mécanismes et du manque de capacités institutionnelles.
La journée mondiale du climat 2024, coïncide avec le nouvel objectif commun de financement de la lutte contre le changement climatique, adopté lors de la 29ème Conférence des Parties (COP) à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) tenue à Bakou (Azerbaïdjan). L’objectif a été fixé à 300 milliards de dollars par an d'ici 2035. Toutefois, cette somme reste bien inférieure aux 1 300 milliards demandés par les pays africains et d’autres pays vulnérables. Par ailleurs, l’accélération du processus d’opérationnalisation du Fonds sur les Pertes et Préjudices, dont les premiers financements pourront être accessibles au cours de l’année 2025, figure parmi les recommandations issues de cette Conférence. La 30ème Conférence de la CCNUCC, prévue à Belém (Brésil) en 2025, se tiendra 10 ans après l’adoption de l’Accord de Paris et représente donc une opportunité réelle pour aborder les défis climatiques. Cet événement est attendu comme un tournant décisif pour élaborer les politiques climatiques mondiales et protéger des écosystèmes critique vitaux, tout en répondant aux besoins des populations locales et autochtones.
Face à ces défis, l’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS) s’est engagé depuis 2013 en tant que partenaire privilégié dans la mobilisation de la Finance Climat au profit des populations africaines et des communautés locales les plus vulnérables, à travers son accréditation aux mécanismes financiers internationaux (Fonds d’Adaptation et Fonds Vert pour le Climat). Le renforcement des systèmes d’alerte précoce et de sécurité alimentaire, sont au cœur des axes d’intervention de l’OSS. Le projet RICOWAS (Mise à l’échelle d’une riziculture résiliente au climat en Afrique de l’Ouest), en est un exemple concret. Ce projet intervient dans treize pays de l’Afrique de l’Ouest à savoir : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Libéria, Mali, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Léone et Togo qui bénéficient d’un appui et d’un accompagnement, notamment à travers l’application du Système de Riziculture Intensif (SRI) et la Production de Riz Résiliente au Climat (PRRC).
Adapt-WAP (Intégration des mesures d'adaptation au changement climatique dans la gestion concertée du complexe transfrontalier W-Arly-Pendjari – WAP), est un deuxième exemple, qui a mis en place un Système d'Alerte Précoce Multirisques (SAP-MR) pour le WAP, au niveau des trois pays bénéficiaires (Bénin, Burkina Faso et Niger). Ce SAP communautaire permet d’anticiper les risques d’inondations, de feux de végétation et de sécheresses, et offre aux populations riveraines, un outil stratégique pour se préparer et réagir de manière plus effective.
La lutte contre le changement climatique est une responsabilité collective, l’OSS réitère son engagement à collaborer avec les acteurs locaux, régionaux et internationaux pour bâtir un avenir où résilience et durabilité riment avec le progrès humain.
A l’occasion de cette Journée mondiale du climat, prenons des mesures concrètes pour protéger les écosystèmes les plus fragiles et préserver les moyens de subsistance des populations africaines les plus exposées.